9 avril 2013

Révélations: Gary Klesch, le financier prédateur de Kem One

A lire dans l'Humanité du 9 avril 2013 
Neuf mois après la cession du pôle vinylique d’Arkema à l’affairiste américain Gary Klesch, la boîte est exsangue. D’après nos informations, entre 200 et 300 millions d’euros se sont volatilisés. La responsabilité du groupe français et des gouvernements est posée.

Gary Klesch peut bien assumer d’avoir mauvaise presse pour Kem One comme ailleurs. Il est grassement payé pour ça, justement. Tout son modèle économique consiste à proposer aux multinationales de les débarrasser des branches jugées inutiles, tout en les couvrant afin qu’elles ne soient pas accusées d’avoir externalisé la casse sociale : en vérité, il ne paye pas pour disposer d’outils de production, il se fait rémunérer pour effacer, après une période de « reprise » très limitée dans le temps, des activités dont les groupes ne veulent plus.

13 millions par an en "conseils"
Avant d’entrer en piste en France, l’année dernière, l’homme avait «racheté», en 2009, deux fonderies d’aluminium appartenant à Alcan et à Corus pour un euro symbolique, mais avec 115 millions d’euros dans les caisses; elles ont été fermées en 2011. Dans toutes les opérations, les holdings patrimoniales de Klesch, basées en Suisse, à Malte et à Jersey, puisent allègrement dans la trésorerie et utilisent les fonds de roulement pour leur propre compte. En guise de petite cerise sur le gâteau, l’affairiste se fait également verser des «primes de management» («management fees»): pour Kem One, ce sont 250 000 euros qui, tous les mois, remontent à l’homme d’affaires. Au total, d’après un décompte réalisé sur les derniers exercices, l’entité maltaise du conglomérat financier de Klesch prélève environ 13 millions d’euros par an dans les caisses des entreprises contrôlées, simplement pour indemniser les « conseils » du patron.

Mais au-delà de ces flux structurels dans le groupe Klesch, où est passé l’argent de Kem One? Depuis juillet dernier, d’après les estimations qui circulent, les installations chimiques ont produit et facturé pour 100 millions d’euros de PVC chaque mois. Et sur la même période, en un temps record, le groupe a accumulé des dettes vertigineuses. «Klesch a vendu toute la production, mais il a réussi à ne payer aucune de ses ardoises à Arkema, EDF, Total, à l’Urssaf et aux sous-traitants, note un bon connaisseur du dossier. Il y en a pour près de 100 millions de dettes en moins de neuf mois. C’est faramineux! Cela signifie qu’au-delà du siphonnage de la trésorerie et des besoins de fonds de roulement, près de 200 millions d’euros se sont sans doute envolés dans l’éther des paradis fiscaux.»

L'Américain menace 
Depuis quelques semaines, Gary Klesch et Arkema se rejettent mutuellement la faute de la catastrophe sociale en gestation. Arguant qu’il n’aurait pas été correctement informé de la situation de l’entreprise, l’Américain menace, sans rire, de réclamer devant un tribunal arbitral l’annulation de la cession, ainsi que 310 millions d’euros de «dommages et intérêts». De son côté, le groupe français oppose un «démenti formel» aux «allégations graves et mensongères» de Klesch. «Arkema s’est arrangé avec un coquin pour sous-traiter son plan de démolition, ricane amèrement l’une de nos sources. Et voilà qu’avec un petit coup de canif dans le contrat, le coquin essaie d’arracher encore plus d’argent!»

Pendant ce temps, directement menacés par ces petits arrangements entre vrais amis d’hier ou faux ennemis d’aujourd’hui, des milliers de salariés de Kem One, des sous-traitants et d’autres opérateurs de cette filière chimique extrêmement intégrée, risquent, eux, de payer de leur peau cette jouissance purement crapuleuse, et sans entraves jusque-là des multinationales et de leurs tueurs à gages.

http://www.humanite.fr/social-eco/revelations-gary-klesch-le-financier-predateur-de-519693

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